Un jugement de forme, qui oublie le fond

Je comprends bien que le Parti Socialiste de Brest soit joyeux de la décision de justice qui est tombée aujourd’hui, concernant l’assignation que j’avais lancée il y a plus d’un an (Précédentes notes sur le sujet ici). Mais regardons un peu plus le fond de cette victoire de papier, qui en dit long sur nos vieux partis politiques … patriarcaux.
La Justice considère simplement irrecevable ma demande et ne prend même pas la peine de regarder les arguments de fond. Elle ne retient qu’un argument de forme et donne raison au Parti Socialiste qui s’appuie sur l’article 4.3.1 de ses statuts :
« À défaut de saisine des premiers secrétaires fédéraux ou du Premier secrétaire et d’épuisement des voies de recours internes, aucune contestation des décisions du Parti et de ses instances ne pourra faire l’objet d’un recours juridictionnel. »
Un petit article dans des longs statuts, qui semble être la botte secrète des partis français (a priori la droite a le même dans ses statuts), pour ne pas être inquiétés de toutes dérives à leur fonctionnement interne, par des adhérents indélicats.
Pour résumer cet article, tant que vous n’avez pas épuisé toutes les voies de recours internes à votre parti (et cela peut être très long et épuisant, vu les pressions internes qui frolent ce que l’on qualifie de harcellement dans les entreprises lorsque vous contestez), vous ne pouvez faire valoir aucun de vos droits devant une justice indépendante. C’est un peu comme, si dans le cas d’un couple, une femme ne pouvait divorcer sans avoir l’accord de son mari ! En fait, cet article emprisonne les adhérents au bon vouloir des responsables du parti, sans possibilité de recours à une vraie justice. Pour un parti « démocratique » et de « gauche », c’est très désaligné des fondamentaux !
Toutefois, il est faux de dire que je n’ai rien fait à l’intérieur du Parti Socialiste pour m’opposer aux dysfonctionnements qui avaient cours. Simplement, le jugement ne considère pas cela comme suffisant.
La Justice ne retient pas le fait que j’ai saisi par courrier le Premier secrétaire, Olivier Faure, pour lui demander de garantir la régularité de la désignation que je mettais en doute, avant même le vote.
La Justice ne retient pas non plus le fait que j’ai demandé par mail à Pierre Jouvet, Secrétaire national qui avait été nommé par Olivier Faure pour garantir la régularité de la désignation à Brest, de vérifier si François Cuillandre était à jour de ses cotisations. Pierre Jouvet ne me répondra jamais, préférant sûrement le silence à la transparence. Difficile donc de contester sans preuves (cela s’appelle de la diffamation), quand les faits vous sont masqués par les responsables.
La Justice ne retient pas non plus l’exigence qui me sera faite de démissionner du Parti Socialiste, alors que j’avais demandé par courrier à Olivier Faure de rester adhérent. Une exigence de démission faite par Yann Guével, parce que je ne soutenais plus François Cuillandre (mis en examen), mais une liste écologiste qui fusionna avec eux après, d’ailleurs. Notons que cela n’empêcha pas Yann Guével et François Cuillandre de soutenir une candidature hors NUPES aux dernières législatives, sans se faire inquiéter par le Parti Socialiste, eux ! Logique, ce sont eux qui en sont responsables à Brest.
La Justice ne retient donc pas qu’il est plutôt très difficile, voire impossible, de saisir les recours internes d’un parti, dont on s’est fait éjecter ! C’est étonnant, moi cela me semble évident.
En revanche, la Justice met un voile pudique sur le fond du dossier, c’est-à-dire tous les faits bien réels que j’ai dénoncés sur les dysfonctionnements internes d’un parti, dit républicain et donc censé respecter les règles :
- François Cuillandre n’était pas à jour de ses cotisations au Parti Socialiste, pour des sommes au-delà de 50 000 €, procès-verbal de police judiciaire à l’appui. Les statuts disent qu’il aurait dû faire l’objet d’une radiation du Parti Socialiste, depuis des années. Mais, il semble qu’au Parti Socialiste brestois, comme dans l’association Vivre à Brest, ceux qui gagnent le plus sont ceux qui cotisent le moins … et qui en cachent le plus à leurs petits « camarades » !
- De plus, François Cuillandre ne pouvait pas se présenter à un quatrième mandat par suite des statuts « rénovés » en 2012, mais pas appliqués, mis en place par Martine Aubry lorsqu’elle était Première secrétaire.
Non seulement le Parti Socialiste a laissé se présenter un candidat non recevable statutairement, mais ce candidat mentait publiquement en affirmant qu’il payait ses cotisations. Mensonges réitérés dans la presse par le Parti Socialiste, affirmant en 2022 que François Cuillandre était à jour de ses cotisations.
Alors oui, aujourd’hui ma demande a été jugée irrecevable pour une question de forme. Dont acte.
En première instance, sans le vouloir j’espère, la Justice vient de donner raison à ceux qui pensent que les tripatouillages internes, les basses-œuvre des arrière-cuisines de notre République, doivent se régler entre « camarades » et non devant une justice impartiale. Cette Justice ferme les yeux sur le fait que les militants attachés à plus d’éthique se font éjecter avant toute contestation officielle, par ceux qui mentent et s’assoient sur les règles.
En termes de recherche d’exemplarité et d’amélioration des pratiques des partis qui ensuite gouvernent, j’ai connu mieux comme décision de Justice.
Au-delà de ce jugement, cet épisode témoigne bien que notre pays a un gros problème d’éthique dans la sphère publique, justement parce que les partis politiques sont corrompus dans leurs propres pratiques internes et que rien ne vient plus les déranger. Les problèmes commencent par-là, bien-sûr. Ne venons pas nous étonner ensuite qu’il y ait tant de responsables politiques devant les tribunaux, pour des fautes bien plus graves après. Si la Justice considère irrecevable la lutte contre les mensonges et les pratiques déviances dans les partis français, c’est une prime aux plus tordus et aux plus malhonnètes. A Brest, je suis sûr que le message a bien été entendu.
Me concernant, le combat continue pour plus d’éthique, de sincérité et de transparence dans notre vie publique. Je ne vais pas m’arrêter ainsi. J’ai bien conscience que c’est une lutte sans fin vers un progrès sociètal, que cette « gauche aux Affaires » ne défend plus.
Mes détracteurs voudraient en faire une question de sentimentalité de ma part. Il m’accuse de rancune ou d’amertume. Qu’ils se détrompent, je suis bon perdant. Le sens de mes actions n’est pas de gagner (même si j’aurai préféré que la justice arbitre contre les dysfonctionnements, bien-sur), mais de combattre les pratiques et les élus qui abiment jour après jour notre démocratie et font monter l’abstention, comme les extrêmes.
Et à Brest, nous avons matière à poursuivre le combat !
Donc, appel?
Je savais pas où mettre ça, ici ça semble bien.
http://authueil.fr/2023/10/17/le-mirage-de-la-democratie-participative/#comments
Bonjour Monsieur Bourguignon,
Je ne suis pas sûr que cet article ait grand-chose à voir avec la note du dessus, mais le thème est en effet intéressant.
La démocratie participative est encore naturellement source de nombreux questionnements, tout simplement parce que c’est encore une réalité balbutiante en France, comme il est d’ailleurs très bien dit dans les articles en lien de l’article. Si de nombreuses expériences ont été menées, le pas n’a pas vraiment été franchi vers un transfert de décisions, une délégation réelle du pouvoir sur des parts de politiques publiques.
En effet, les élus au pouvoir s’y opposent souvent, comme une forme de modèle qui tend à raboter leurs prérogatives. L’administration est aussi très frileuse sur le sujet. Cela cache aussi la réalité du transfert d’autorité réel des élus vers une administration qui finit par se satisfaire de la médiocrité de ses édiles, pour peu qu’ils suivent ce qu’on leur propose. Brest n’est pas à part là-dessus, c’est l’administration qui gère, laissant le privilège aux élus de porter une pseudo-paternité des actions nourrissant leurs égos (c’est la théorie de « la délégation du coupage de ruban »).
Toutefois, quelques réalisations existent comme les budgets participatifs, avec toutes les limites qu’on leur connaît. À Brest, ils furent très durs à mettre en œuvre tant la résistance de certains élus et du maire fut forte. On notera que la diminution de la fréquence et l’augmentation des budgets (qui étaient exactement l’inverse de ce qui était préconisé pour favoriser une vraie participation et ne pas tomber dans une complexification des projets écartant les citoyens) conduisent plutôt à une ré-institutionnalisation des projets qui finissent par gagner le plus, après une instruction des services qui se permettent d’éliminer ceux qui plaisent le moins ! Après deux premières éditions, les élus et l’administration ont rapidement repris le contrôle, tout en se vantant d’y mettre plus de moyens. Trop fort !
Sur la question de la participation, on oublie souvent de rappeler que le premier mode réel de participation fut le mode associatif. Sur Brest, on peut parler des patros par exemple, et il y en a plein d’autres beaux exemples d’auto-appropriation de la société civile. Mais là encore, le pouvoir local s’est empressée de mettre des conventionnements qui cadraient leur liberté d’action et d’innovation, avec un chantage aux financements. Ces conventionnements rigides visent à corseter l’initiative du corps des citoyens engagés et limitent donc la participation. Elles peuvent devenir une forme de domination visant le contrôle et développant à moyen terme une forme de soumission favorisant des attitudes clientélistes. Le pire étant bien-sûr la multiplication tous azimuts des « appels à projets », qui sont une mise en concurrence organisée par le(s) pouvoir(s). Ces derniers n’hésitent pas ensuite à s’arroger la paternité des actions, vidant de son sens l’engagement bénévole et transformant les associations en mini-administration pour y répondre afin de décrocher les moyens de leur survie. C’est une forme de mise au pas de la participation.
La perte de sens de l’engagement associatif et donc le non-renouvellement des bénévoles est souvent à chercher de ce côté-là. L’usage des conventionnements et des appels à projets a fini par vider de leur substance de nombreuses associations pour en faire des quasi sous-traitants des politiques publiques voulues par les administrations (à tous les échelons). C’est très dommage.
Pour en revenir à la participation, voire à la codécision, personnellement, j’y crois beaucoup comme seule alternative désirable aux crises qui nous font face. Sauf à préférer un autoritarisme risqué, qui peut rapidement tourner aux « fascismes ». L’actualité nous le montre durement tous les jours.
Mais je crois qu’à la fois certains freinent des quatre fers quand d’autres veulent aller trop vite. Chacun se reportant ensuite la faute d’un échec ou d’un immobilisme. Le développement de la participation est un processus d’appropriation de masse (sinon, c’est juste changer de dominant) qui nécessite une montée en maturité progressive et collective, autant côté pouvoir que côté citoyen. Pour réussir, la participation doit se développer doucement, avec bienveillance, par de l’expérimentation, par une appropriation collective et partagée des méthodes (il en existe plein) et un droit à l’erreur assumé. Accepter la réversibilité d’une action qui ne marche pas, si l’évaluation que l’on en fait n’est pas bonne.
Il y a des modèles intéressants à observer comme la gestion des SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau). Pour avoir été président d’une Commission Locale de l’Eau durant un mandat, c’est une forme de participation beaucoup plus aboutie et opérationnelle que les CCQ, par exemple. Mettre déjà cela en place sur de nombreux sujets permettrait ensuite d’aller plus loin et de progresser collectivement vers plus de codécision.
Il y a plein d’idées qui seraient faciles à mettre en œuvre pour commencer à avancer sur la participation … Y compris faire participer les citoyens sur ce sujet (j’avais lancé une initiative dans ce sens en 2019). Ce qui manque, c’est juste la volonté politique !
Nos élus sont trop attachés à ne surtout pas partager le pouvoir qu’ils ont car, faute de vision politique, le clientélisme est leur meilleur atout pour être ré-élu … quatre fois … et pourquoi pas cinq !
Bonne journée.
PS : Il est quand même bon de rappeler que le clientélisme est la forme de corruption la plus primaire et la plus développée par les acteurs au pouvoir… Pas qu’à Brest et pas qu’en France non plus. On peut souvent lier la montée de la participation à l’acceptation de plus de transparence et donc de plus d’éthique dans la sphère politique. Actons qu’à Brest, le pouvoir en place est plutôt très frileux, voire opposé, à la participation réelle. Étonnant, non ?!