La faillite morale et éthique du Parti Socialiste – L’exemplarité brestoise

À Brest, le Parti socialiste a lancé un sondage pour départager les deux prétendants au fauteuil de maire en 2026. Rien de choquant en apparence… Sauf que la personnalité des deux « champions » du PS en dit long sur la dérive éthique et morale de ce parti. Dans cette première note qui sera suivie d’une seconde analysant cette dérive au travers de ses textes, attardons-nous déjà sur le pedigree des deux postulants que le PS imagine présenter aux votes des électeurs brestois.

Le premier, François Cuillandre, maire et président de plus de 70 ans, brigue un cinquième mandat. Son parcours est marqué par une condamnation fin 2023 pour recel d’abus de confiance, dans une affaire de détournement de plusieurs centaines de milliers d’euros issus des indemnités d’élus de sa propre majorité [1]. Le procès en correctionnel n’a finalement jamais eu lieu, les deux principaux protagonistes (ses plus proches adjoints pendant 18 ans) étant décédés peu après la révélation de l’affaire Vivre à Brest. Sous les critiques de nombreux observateurs qui attendaient un procès public, le procureur de Brest a préféré offrir une porte de sortie au travers d’une CRPC. Ce « plaidé coupable », négocié à huis clos dans le bureau du procureur, permettra au maire de Brest d’éluder tout le fond d’une affaire qui aura duré 18 ans, ainsi que l’exposition publique de ses propres responsabilités dans les agissements de ses deux complices décédés.

Nous passerons rapidement sur ses affaires de braconnage d’ormeaux dans le Parc marin d’Iroise (ici et ), dont il fut administrateur pendant plusieurs mandats. De même que sur sa déclaration fiscale de 2008, où il avait intégré des sommes indûment prises dans la caisse noire de Vivre à Brest pour régler sa cotisation et obtenir une réduction d’impôt pour « don » à son parti. Défiscaliser de l’argent détourné ne témoigne pas d’une grande conscience professionnelle, de la part de celui qui se présente comme un ancien inspecteur des impôts.

Plus récemment, la cour d’appel a confirmé sa condamnation pour injure publique à caractère racial, prononcée en sa qualité de dépositaire de l’autorité publique. À cela s’ajoutent les scandales de ce dernier mandat, marqués par la chute de deux de ses adjoints, l’un pour agressions sexuelles, l’autre pour viol sur mineur. Un palmarès impressionnant, qui semble pourtant laisser de marbre la presse nationale, alors qu’il ferait passer les déboires d’Éric Piolle à Grenoble pour de simples anecdotes.

Depuis son élection en 2001, François Cuillandre donne l’image d’un responsable politique enclin à s’affranchir des règles qu’il est pourtant chargé de faire respecter.

Le second, Yohann Nédélec, traîne aussi un passif inquiétant malgré 20 années de moins. Ayant fait ses premiers pas en politique sous la coupe du strauss-kahnien Jean-Jacques Urvoas, condamné pour ses agissements en tant que garde des Sceaux, il fut lui-même déjà condamné dès 2018 pour usurpation d’identité lorsqu’il était maire du Relecq-Kerhuon. Durant ses mandats de maire, il s’est illustré par des pratiques immobilières pour le moins « atypiques ». Ainsi, il n’a pas hésité à engager les institutions publiques dans huit années de procédures contre des habitants, coupables seulement d’avoir voulu rénover leur maison près du domicile du maire. La commune, la métropole et l’État furent successivement condamnés dans chacun des contentieux qu’il poussera contre eux. Yohann Nédélec est également associé à l’opaque dossier de « la Cantine » [2] sur lequel une enquête de police fut ouverte, puis refermée faute d’élément tangible. Après de nombreux rebondissements à son initiative et beaucoup d’argent public gaspillé, le projet s’est terminé (par le plus grand des hasards) dans le portefeuille d’un promoteur immobilier du Relecq-Kerhuon proche de lui. Un ami ayant déjà siégé sur le banc des prévenus dans une retentissante affaire politico-financière des années 1990, associé à la chute du club de football Brest Armorique. L’article du Télégramme traitant de cette épisode judiciaire [3] ne semble plus accessible sur leur site (ici).

À ce tableau s’ajoutent le rejet de ses comptes de campagne en 2014, ses fake news récurrentes : dès 2014, il annonce dans la presse « l’ouverture de l’autoroute A82 entre Brest et Nantes, d’ici 2017 » (immédiatement démenti par l’État, puis démenti par les faits). Sans en faire une liste exhustive, plus récemment, il annonce avoir été consulté pour rentrer au gouvernement (immédiatement démenti par l’Élysée). Nous lui devons aussi l’épisode ubuesque du chapardage du téléphone portable de notre ex-Premier ministre. Grand utilisateur des réseaux sociaux pour donner parfois des informations contestables, il n’hésite pas à saisir la justice dans des procédures bâillons contre des opposants l’ayant associé à des faits « constitutifs des délits de corruption passive et prise illégale d’intérêts » par suite de l’affaire de Baradozic. En première instance puis en appel, les juges le débouteront, considérant que les propos exprimés à son encontre sur Twitter « reposaient sur une base factuelle suffisante ».

Communiquant habile et décomplexé au service de son agenda personnel [4], plus que véritablement engagé pour la gauche et pour Brest, il fut même cité comme l’un des acteurs de la débâcle de l’équipe de gauche à Guipavas, qui fit basculer la ville à droite. Une hypothèse que je partage largement, pour en avoir vécu certains épisodes de près.

[Rajout du 17/10/25 21h00] : Une lectrice attentive et bien informée m’a fait remarquer que j’avais omis de mentionner la fameuse affaire du SIVU de l’Elorn, qui avait largement défrayé la chronique relecquo-guipavasienne, sans que l’on sache quelle issue judiciaire elle a connue. L’ancien maire de Guipavas : Alain Queffelec fera une sévère mise au point à Yohann Nédélec (ici et ), ainsi que son opposition (ici) et même la Fnadepa 29 (ici). Le parquet de Brest finira par ouvrir une enquête et un site indépendant relatera une enquête personnelle avec les éléments connus (ici).

Ajoutons que le tout premier article révélant les turbulences dans la commune voisine et ayant déclenché la crise à Guipavas est opportunément paru dès le lendemain des toutes premières révélations sur le SIVU, signé de la plume d’un journaliste réputé pour receuillir les « fuites dans la presse du clan Kerhorre ». La gauche guipavasienne a-t-elle, entre autres, servi de contre-feu médiatique à cette affaire ? L’hypothèse n’a rien d’illégitime…

Le paradoxe de cette pré-compétition, via sondage interposé, est que c’est bien Cuillandre qui invita Nédélec à venir faire de la politique à Brest, dès l’été 2018. Loin de vouloir lui céder sa précieuse place de maire/président, il s’agissait de couper les ardeurs de celui qu’il appelait alors « le roitelet » en ma présence. Le jeune maire d’une petite commune de la métropole (5 % des habitants) qui avait parfaitement compris le pouvoir de chantage des minorités, au sein d’une majorité faible en Conseil métropolitain. Depuis 2020, loin d’être des alliés au sein de la majorité de Brest, la presse s’est fait l’écho des tensions entre ces deux rivaux qui ne se parlèrent quasi plus dans les premières années de ce mandat et cliveront l’équipe municipale en deux écuries opposées.

Au regard du pedigree des deux « champions » proposés pour les municipales de 2026 par le PS à Brest en matière d’éthique et de probité, vous conviendrez que faire un choix parait difficile pour tous ceux qui se reconnaissent dans une politique socialiste. Pour moi, cela reviendrait à ce qu’un médecin me demande de choisir entre la peste et le choléra, en me disant que cela serait meilleur pour ma santé. Peu de doute que je ne le traite pas de charlatan !

Comment en est-on arrivé là ? Lorsque l’on sait qu’illégalité rime toujours avec inégalité, nous nous attendrions à ce qu’un parti, dit socialiste, soit devenu le champion de la lutte contre la corruption et prône haut et fort l’éthique et la probité de ses élus. Aujourd’hui, ce sondage pour départager ces deux candidatures offertes aux électeurs de gauche de Brest pour 2026 en dit déjà long sur le Parti Socialiste, et ce qu’il en reste réellement.

Prochain épisode : derrière les bons mots, la réalité du Parti Socialiste face à ses responsabilités statutaires.

[1] M’étant porté partie civile, l’affaire Vivre à Brest a largement été traitée sur ce blog (ici) et j’ai écrit un livre qui détaille l’ensemble des faits que l’on a retrouvés dans les livres de compte manuscrits de cette « caisse noire », majoritairement à la main de trois personnes depuis les années 2000, dont le maire de Brest qui fut condamné pour une petite partie de tout cela, suite à la péremption des faits les plus anciens.

[2] Le dossier de la Cantine est largement retranscrit sur deux sites : celui de l’opposition municipale (ici) et celui d’un citoyen engagé sur son blog (). On y retrouve certains de mes propos dans la presse comme vice-président à l’urbanisme de l’époque et président de Brest métropole aménagement qui avait en charge le projet.

[3] L’article « Fondo. Le timide mea culpa des co-prévenus », daté de l’édition du 25 novembre 2003 du Télégramme, n’épargne pas l’ami de Yohann Nédélec, Patrice Azria. Il y est raconté que le procès met en lumière son rôle ambigu, présenté tour à tour comme « petit soldat » du Fondo et comme « idiot de service ». Mais derrière cette façade, l’homme est épinglé pour ses pratiques douteuses : une cliente retraitée y a perdu les économies de toute une vie (1,5 MF), contrainte de contracter un crédit coûteux à son initiative, générant 100 000 francs d’agios. Face aux juges, Patrice Azria admet avoir poursuivi malgré tout, invoquant sa jeunesse, mais peine à convaincre. Le président rappella sèchement qu’il était préférable de ne pas faire perdre d’argent à ses clients. Alors âgé de 38 ans, l’article raconte qu’il tenta de se présenter en repenti, osant affirmer au juge : « Maintenant, dès que j’entends parler de placements à plus de 4 %, je m’en vais en courant…». Nous le croyons sur parole ! Il est aujourd’hui dirigeant de l’entreprise Océanic Finance qui s’occupe de placement financier et dirige le groupe Océanic qui propose de la défiscalisation.

[4] Petit conseil de lecture : Les Narcisse : Ils ont pris le pouvoir de la psychiatre, psychanalyste Marie-France Hirigoyen. Très intéressant pour décrypter les personnalités politiques actuelles, à Brest comme bien ailleurs.

Images : Lionel Le SauxGuillaume Saligot

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